Il nous raconte son expérience exceptionnelle et inoubliable :

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En ouvrant l’enveloppe qui m’était destinée lors des cadeaux de Noël, je ressentis un certain choc : mes filles s’étaient cotisées pour m’offrir un stage de perfectionnement à l’apnée dans la fosse de Villeneuve la Garenne avec Umberto Pelizzari, triple champion dans les années 2000 en poids constant, poids variable et no limits.

Pour ceux qui ne sont pas initiés, dans le poids constant l’apnéiste descends et remonte par ses propres moyens sans aucune aide, c’est-à-dire avec son poids de départ – Umberto bat le record de cette spécialité en descendant à 80 mètres – ;
en poids variable, l’apnéiste descend entrainé par une gueuse et remonte par ses propres moyens après avoir abandonné la gueuse au fond – Umberto décroche le record à 131 mètres –
enfin, en no limits , l’apnéiste descend avec une gueuse et remonte en gonflant un ballon – Umberto atteint 150 mètres et arrête la compétition sur ces 3 victoires.

C’est donc avec ce disciple et successeur de Mayol, dont je suivais les exploits dans les années soixante (voir le grand bleu), comme je suivais ceux plus récents de Loïc Leferme, hélas disparu lors d’une tentative, il y a environ 3 ans, que j’allais plonger….un rêve ! Oui, mais….

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Bien sûr , la fosse de plongée de l’UCPA à Villeneuve, ne fait que 20 m. de profondeur et ce n’est pas la Grande Bleue dans laquelle je nage et plonge en été, mais je n’étais pas descendu à 20 m en apnée depuis des années même si en tant que plongeur avec bouteille je fais des exercices d’apnée régulièrement pour des raisons de sécurité. Et à 76 ans , j’allais être avec des jeunes gabarits qui allaient me laisser sur place, peut-être même allais-je être un poids mort ..? C’est donc en serrant les fesses que je me rendis à la piscine de Villeneuve.

Le tour de table des 22 participants n’était tout d’abord pas fait pour me détendre : chasseurs sous-marins descendant à 30 mètres, apnéistes ayant déjà atteint 40 ou 50 M , plongeurs brevetés pratiquant l’apnée etc…3 femmes et 19 mâles dont seulement 1 ou 2 devaient flirter avec la soixantaine. Chacun décline ses compétences et Umberto divise l’ensemble en 2 groupes et 5 sous-groupes de façon à n’avoir dans chaque sous- groupe que 3 ou 4 plongeurs. Le premier groupe part directement sur la fosse de 20 mètres.

Mamma mia ! je suis dedans ! sans échauffement préalable…heureusement, je suis dans le sous-groupe 4, ce qui me permettra de voir ce que font les 3 s/groupes avant moi. Et je vois : 5,4, 3, 2, 1 -go ! La descente des 3 premiers plongeurs commence, Umberto les suit, corrige une position de tête, la position des bras, l’angle de descente etc….et s’arrête à 10 M en ½ plongée pour observer le reste de la descente. Puis remontée, surface et Umberto s’adresse à chacun par son prénom en lui indiquant ce qu’il doit corriger avec les explications nécessaires. Aucune critique, mais des recommandations et conseils sur un ton amical.

Il l’avait dit en introduction :  » je veux vous faire partager ma passion de l’apnée en plongée, éprouver du plaisir pas de la contrainte ou du stress. «  En le voyant faire, je me décrispe tout en redoutant le moment de plonger à mon tour. D’ailleurs, sur les 3 groupes qui me précédent tous ne vont pas au fond soit par impossibilité de décompresser, soit par manque d’entraînement.

Tout plongeur ressent toujours une petite inquiétude à la mise à l’eau à propos de la décompression : mes oreilles vont-elles passer ou pas ? Bien sûr, il y a quelques moyens à essayer mais ils ne produisent pas toujours d’effet et il plus facile de remonter et redescendre en bouteille qu’en apnée. Mais le conseil d’Umberto est d’or : ne jamais forcer, car cela peut entrainer une impossibilité de plonger pour plusieurs jours.
Ça y est ! Faut que j’y aille…
à « 1 » je bascule sur les hanches et pique vers le fond, je décompresse une fois , deux fois, ça passe tout seul, je suis à 8 M, je sens une main qui me ramène la tête dans le prolongement du corps entre les bras ; à 15 M, je regarde à nouveau le fond et me dit « Ouah, Achtung ! faut que je remonte ! « A 17 M, je me redresse et monte vers la surface. Lorsque j’y arrive, je m’aperçois que je n’éprouve pas une envie nette de respirer, ce qui veut dire que j’avais encore de la réserve !
Débriefing par Umberto : « Ne regarde pas le fond, tu freines inutilement la descente, tes bras allongés devant doivent toucher tes oreilles, quand tu remontes, à 5 m tu peux arrêter de palmer (c’est à dire de consommer l’oxygène) , tu montes tout seul …Quand tu décompresses, ne fais pas l’aile de poulet, laisse ton bras remonter le long du corps, etc…. et tutti quanti ! « 

Au tour suivant, j’essaye de mettre en œuvre les conseils d’Umberto et je me dis en descendant que jamais je ne serai plus en sécurité qu’aujourd’hui, alors autant y aller cool. Je ne pense à rien, je palme tranquille, seule la pression m’indique que je m’enfonce et tout à coup je touche la grille du fond. Ça y est je suis à 20 M au deuxième plongeon ! Je me redresse et regarde : oui, c’est haut, faut y aller, j’ essaye de palmer lent et ample pour la remontée. A 6 m., j’arrête de palmer et je monte tout en douceur sur l’élan acquis, j’émerge et souffle juste un peu avant d’inspirer , suivant ce qu’a dit Umberto « en remontant d’apnée, la première chose à faire est de prendre de l’air, donc souffler un peu pour faire de la place et respirer une bonne goulée ; il sera toujours temps de respirer à fond après cette première fois »
Umberto m’indique ce que je n’ai pas bien corrigé.

A la troisième plongée, j’essaye de mettre en oeuvre tout ce qui m’a été dit ; J’arrive au fond comme une fleur et me couche le dos sur la grille en regardant les 2 autres collègues et Umberto à mi-hauteur : c’est agréable de se sentir bien au fond en se disant qu’on va remonter dans une coulée de soleil en sentant les différences de température des couches d’eau successives que l’on traverse vers la lumière et la vie ! Bon sang, un instant , je me suis revu 15 ans en arrière quand je remontais de 15 mètres en Corse après avoir été voir sous un rocher ce qu’il y avait. Un flash back dû à l’ambiance…. Je remonte…

Pour le reste de la journée, nous pratiquons l’apnée statique et dynamique. Sur l’apnée statique , j’arrive sans m’épuiser à 2 minutes trente, mon voisin lève la tête à quatre minutes ; il est jeune et balaise. Normal. L’accent est mis sur la décontraction et la détente du corps , on nous montre comment respirer avec le ventre et le diaphragme pour bien utiliser la partie dormante de nos poumons. Lors de sa démonstration,le poing d’un assistant disparait complétement dans le creux du diaphragme remonté d’Umberto ! Impressionnant … il y a des décennies d’entrainement pour arriver à cela . En apnée dynamique, on commence par rester trente seconde sous l’eau avant de traverser le bassin toujours sous l’eau, puis on alterne en traversant le bassin et en attendant une minute avant d’émerger. On s’amuse bien…. mais c’est fatiguant , du moins pour moi. Enfin, je résiste. Les cours théoriques sur l’apnée se poursuivent en salle.
Pour ce premier jour, nous n’avons pas chômé de 8 H à 18H avec une demi heure pour déjeuner afin de profiter au maximum des enseignements d’Umberto.

Le lendemain, dimanche, rebelote. Tous les exercices avec des surprises du genre : descente sans palme, et toujours les corrections d’Umberto, descente à la gueuse et remontée au parachute de 5 M pour s’initier puis de 15 M pour ne pas cogner le fond… Là, ça arrache quand le parachute se gonfle, il y en a même un qui a perdu son masque ! On fait une nouvelle plongée à 20 M et je suis à peine remonté depuis une minute qu’Umberto me fait signe de redescendre : « eh, j’ai pas eu le temps de… » Et Umberto « T’es un apnéiste ou quoi ? » Alors, je suis redescendu, et remonté : bien sûr que je suis un apnéiste!
Nous finissons par des projections de films sur les records et leur environnement ainsi que sur des plongées-plaisir dans des cénotes ou en mer en compagnie de dauphins. Umberto évoque aussi toutes les contraintes auxquelles sont soumis les plongeurs de sécurité et la notion d’équipe qui gagne autour du plongeur.

En début d’après-midi, on se quitte à regret…. Grazzie mille, a revederchi Umberto !

Pourquoi cette expérience est- elle exceptionnelle ? Pour 3 raisons : D’abord parce qu’elle est imprévue ; je ne m’attendais pas à la vivre à mon âge ; Ensuite, parce que l’instructeur est extraordinaire ; c’est lui personnellement qui s’occupe de chaque élève, il ne délègue pas cette tâche à ses assistants, et il ne compte pas son temps motivé par la passion d’enseigner son art ; plus de 3 heures de plus que l’horaire prévu, et 3 heures que l’on ne voit pas passer ; c’est si rare que cela mérite d’être souligné ! Enfin, parce que , grosse cerise sur le gâteau, je me suis aperçu le lundi matin que les plongées en fosse me manquaient déjà !

Alors , je me console en faisant des bassins en apnée horizontale…..mais ce n’est pas pareil, il manque Umberto ! Cependant, je suis son conseil, je me suis fixé un but à atteindre, sans forcer : 2 bassins de 25 mètres en apnée et à l’aise. Aujourd’hui, je fais 40 m., alors je m’entraine, et , mètre par mètre ….