L’apnée de 16 à 82 ans
Juillet 2019, à Algajola, en Corse, mon petit-fils, prénommé Marc comme son grand ‘père, et âgé de 16 ans , effectue avec moi quelques exercices d’apnée.
Puis il me demande de descendre à 10 mètres. Il est à l’aise, pas de problème. Il veut descendre plus bas mais je trouve qu’il manque encore d’expérience pour aller à 15 ou même 20 mètres, cependant je lui promets qu’il pourra le faire l’année prochaine.
Puis le temps de Noël approche et Aude, une de mes filles, plongeuse aussi, découvre une offre de formation à l’apnée par un champion d’apnée français, Rémy DUBERN, dans les fosses de plongée d’AQUA92 à Villeneuve-la-Garenne les 4 et 5 janvier 2020… Les tantes se cotisent pour offrir à Marc junior la formation que son grand ‘père souhaitait qu’il acquiert. Lequel grand ’père doit bien sur l’accompagner lors du cursus ….sauf qu’il a 82 ans et que cela fait 5 ans qu’il n’est plus redescendu à 20 m. Bon, on verra bien… !
Le jour J à 8h. le champion fait le tour de table : il y a de tout, du débutant qui n’a jamais plongé à l’apnéiste patenté qui descend entre 25 et 35 mètres. La session est partagée en alternance entre cours théoriques et pratiques dans les bassins de 5, 10 ou 20 m.
Le but n’est pas d’enseigner la plongée mais bien l’apnée, donc le cours commence avec la présentation des caractéristiques physiques de l’oreille, des sinus et des poumons et de leur comportement en fonction de la pression à laquelle est soumis le corps. Les méthodes de compensation de la pression au niveau du tympan sont étudiée : Vasalva –se boucher le nez et souffler – Frenzel compression au niveau du palais- et la fameuse BTV –béance tubaire volontaire-que seuls 30% des gens peuvent effectuer.
Séance plongée : 2 h. dans les bassins de 5 et 10 m. Marc et moi essayons la méthode Frenzel dans le bassin de 5 m. A ma grande stupéfaction, j’y arrive en me tractant sur un câble tendu obliquement dans la fosse de 10 m. Youpee ! En 6o ans de plongées, j’ai toujours utilisé la méthode Vasalva, en apnée comme avec des bouteilles avec l’inconvénient d’utiliser un bras pour se boucher le nez et de provoquer pour le moins un léger coup boutoir sur les tympans lors de l’équilibrage des pressions, ce qui a grandement contribué au fait que je porte des appareils auditifs !
« Si j’aurai su , j’aurai venu …. plus tôt » !
Pas de problème non plus pour mon petit-fils , il utilise Frenzel en suivant le câble oblique qui facilite une descente lente.
Je passe sur les cours théoriques qui ont pour but, par la connaissance des mécanismes internes, de provoquer la décontraction et par conséquence une détente physique et psychique qui favorisent l’apnée en diminuant la consommation d’oxygène. On verra aussi les prédispositions ou handicaps, ainsi que les accidents et on visionnera des descentes et remontées jusqu’à 100m. de profondeur.
On voit bien dans les films que le plongeur est en chute libre sans aucun mouvement à partir de 25 ou 30m qu’il ait ou non des palmes. Lors de son championnat à 88 m., Rémy est remonté très calmement à la brasse vers la surface en 3 m. et 10 s. ! Mais attention, pour ce faire en apnée dynamique, il faut être capable de tenir au moins le double du temps en apnée statique ….
Revenons au bassin : mon petit-fils remonte de 5 m et me dit qu’il n’a pas décompressé. Je suis surpris, car il aurait dû devait le faire avec ½ atmosphère de pression en plus…..je lui demande de redescendre et de me faire signe dès qu’il sentira la pression, vers 2 ou 3m.au maximum.
Il descend à 5m. sans me faire le moindre signe et sans avoir l’air d’en souffrir. Il dit ne pas avoir décompressé …. Ma que pasa !!? Je vais voir le moniteur qui déclare « il doit pratiquer la BTV sans s’en apercevoir ! » Je n’avais pas pensé à ça. Tant mieux pour lui…c’est un des 30% qui peuvent !
Bon , maintenant , on passe aux choses sérieuses : la fosse de 20 mètres . Je descends en éclaireur, l’entrainement dans la fosse de 10 m. paye et je remonte tranquille. Au tour de Marc qui s’arrête à 15 m. Je remarque qu’à la remontée, il palme sans se laisser porter par la poussée d’Archimède à partir de 6/5 m. Je lui en fait la remarque et il me répond « tu n’as pas vu que si j’arrête de palmer, je ne monte plus et même je redescend ! » Mais oui, mais c’est bien sûr ! la poussée du célèbre Grec n’agit pas de la même manière sur un poids léger qu’un poids lourd et le volume d’eau déplacé par mes 90 kilos n’a rien à voir avec celui déplacé par un jeune homme moitié moins lourd.
Pour bien comprendre, il faut se rappeler qu’en descendant vers le fond, on doit vaincre la poussée d’Archimède soit par des palmes soit par des plombs car on flotte naturellement. Plus en descend moins il est difficile de descendre car le volume des poumons se réduisant avec la pression, le volume d’eau déplacé diminue et la poussée vers la surface aussi : à 20 m. le corps subit trois fois la pression atmosphérique et en conséquence le volume des poumons se réduit de au tiers de sa valeur en surface, diminuant ainsi la poussée d’Archimède. A la remontée l’air se décomprime dans les poumons et augmente le volume de ceux-ci donc la poussée : vers 6/5 m. on peut économiser le palmage, c ad l’oxygène, puisque qu’on rejoint la surface sans effort …Evidemment, mieux vaut ne pas être maigre comme un coucou : si c’est le cas, l’effet se fait beaucoup moins sentir ! (notez que la descente a alors été plus facile !)
Il faut savoir aussi que la poussée est plus forte dans l’eau salée que dans l’eau douce.
Au second essai, Marc descend à 20 m. jusqu’à la gueuse, se retourne calmement et remonte sans toucher le câble ! Ca y est, la promesse est tenue : en début d’année et en toute sécurité ! C’est inattendu !
La séance théorique suivante permet par un système inventé par Remy DUBERN de matérialiser la décompression : dans une bouteille remplie d’eau, on plonge un fin tuyau de plastique relié par une boule ronde creuse à une narine pendant que l’on bouche l’autre : miracle, en décompressant on voit des bulles se former au fond de la bouteille, bulles qui témoignent que l’air a été comprimé et aurait atteint la trompe d’Eustache, puis le tympan si les 2 narines avaient été bouchées.
Cerise sur le gâteau, à la place de la bouteille, on raccorde un indicateur de pression et l’on constate que la pression exercée par la méthode de FRENZEL se situe entre 15 et 60 millibars, la pression nécessaire mais suffisante variant entre 20 et 35 millibars.
Exercices en piscine de remontée du diaphragme en expiration : chez le champion, on peut mettre un poing fermé entre les côtes ; nous sommes tous loin du compte, mais pas de panique, on n’est pas champion et on ne veut pas descendre à 88 mètres en apnée !
Plongée dans les 3 fosses, surtout celles de 10 et 20 mètres. Au fil des plongées, Marc et moi nous apercevons que c’est de plus en plus facile, on est détendu, les épaules relâchées, on descend le long de la corde en fermant les yeux, attentifs seulement aux sensations ; plus d’oppression, on est surpris de toucher le lest du fond et on amorce la remontée sans hâte excessive, la sécurité étant toujours assurée par un moniteur qui , à chaque plongée d’un élève, descend à mi-hauteur et l’accompagne à la remontée : COOL !
Encore une dizaine de plongées, près de 30 au total du stage , qui se termine par une plongée des 25 participants étagés dans la fosse de 20 mètres avec Rémy DUBERN au centre au fond, comme des sars étagés dans un trou sous la roche, dirait un ancien chasseur sous-marin !
Le soir du dimanche 5 janvier, j’ai dormi 13 heures d’affilée….battant mon petit-fils qui lui n’a dormi que 11 heure. C’est beau la jeunesse ……mais la vieillesse , ce n’est pas si mal , non plus !
Ceci dit, on recommencerait volontiers…..mais en Corse , dans le grand bleu et qui sait , pourquoi pas au-dessus du B17 de Calvi…..les moteurs sont à 27 m. il y a 15 ans ils étaient à 23 m. est-ce qu’on peut les toucher avant qu’ils descendent encore sur le sable ? Ma foi, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre.. … …et on n’est pas obligé de toucher l’avion , on peut le survoler !
Suspense !